Les no 2 font rarement de bons no 1 - Agefi - janv. 20

Au départ de patrons, leur no 2 sont souvent pressentis voire nommés pour leur succéder. C’est rarement une bonne idée. Pourquoi ?
"La puissance du no 2 vient du fait qu’il peut agir en référence au cadre, aux orientations, aux attentes et aux comportements attendus par son patron. Il le fait parfaitement en son absence. C’est ce qu’il va continuer à faire par la suite, parce qu’il lui manquera certainement de la vision, de la détermination et du courage pour agir autrement".
Un leader performant a besoin d’une équipe forte. Généralement, il s’appuie sur de très bons responsables opérationnels et sur un no 2 de qualité. Il s’agirt d’une personne compétente, crédible, qui est légitimée par son patron, lequel lui fait confiance, lui confie des dossiers à fort enjeu et l’implique dans toutes les actions et décisions d’importance. Il a besoin de son avis, de son esprit critique, de sa compétence pour les sujets stratégiques. Les collègues et collaborateurs de l’organisation le respectent, pour sa compétence et sa légitimité. Ce qui fait que, en l’absence du patron, il peut répondre avec pertinence et engager son patron, parce qu’il sait exactement ce que ce dernier déciderait. Lorsque le patron s’en va (départ, licenciement, mutation ou promotion), les équipes se tournent naturellement vers le no 2, qui à court terme répond à toutes leurs attentes. Ceci fait de lui le successeur naturel logique, attendu par les équipes. Il est rassurant, et la continuité semble assurée.
Et c’est ainsi que cela se passe souvent. Le no 2 est nommé pour ces raisons, aussi parce que l’équipe l’encourage dans ce sens et que, de plus, on n’a pas envie de le décevoir et de risquer le perdre.
Est-ce la bonne décision ? Rien n’est moins sûr, même si ce choix – grâce à leur compétence et personnalité - évite les situations délicates, la déstabilisation et les crises. Mais qu’en est-il dans la durée ?
Les meilleurs no 2 sont complémentaires de leur patron, qui, s’il est vraiment à sa place, est reconnu pour sa capacité à s’affirmer, à décider, à diriger, à responsabiliser, pour sa vision et surtout pour son « drive » (énergie, ambition, esprit d’entreprise). Son no 2 ne peut lui ressembler, car ce serait source de conflits (de pouvoir, de territoire, de « lumière). Il doit avant tout est complémentaire : rigoureux dans l’évaluation et la compréhension des problèmes et enjeux ; puissant dans sa capacité à proposer des solutions qui marchent. Il sera également structuré, fiable dans la réalisation et la mise en œuvre, à l’aise dans la relation, bon communiquant, capable de transmettre les informations, d’expliquer, de coacher, d’impliquer, de soutenir. Cela ressemble au candidat idéal, sans les défauts qu’on reproche souvent aux dirigeants : pouvoir, ambition, impatience, ....

La puissance du no 2 vient du fait qu’il peut agir en référence au cadre, aux orientations, aux attentes et aux comportements attendus par son patron. Il le fait parfaitement en son absence. C’est ce qu’il va continuer à faire par la suite, parce qu’il lui manquera certainement de la vision, de la détermination et du courage pour agir autrement.

Nommer le no 2 pour remplacer le patron permet donc d’assurer la continuité, parfois de réussir une phase de transition, mais généralement pas de préparer le prochain cycle de croissance, d’innovation ou de réaliser un repositionnement stratégique.

Les erreurs en la matière peuvent coûter cher aux deux parties : à l’organisation, qui peut se mettre en difficulté ou prendre du retard, et au no 2 nommé, qui peut atteindre rapidement son niveau d’incompétence (cf. le principe de Peter). Elles sont d’autant plus probables que, le plus souvent, le no 2, intelligent, arrive aisément à se projeter intellectuellement dans le rôle de no 1. Au point d’oublier où sont ses réels talents, et l’environnement qui est nécessaire pour les valoriser. L’occasion qui se présente, les encouragements de son entourage et l’envie de prouver sa valeur perturbent souvent le regard que le no 2 a sur lui-même et génère de la frustration s’il n’est pas retenu.

Comment éviter cela ? Le moyen le plus efficace est un vrai et puissant bilan de carrière pour le no 2, qui vise à mettre vraiment en avant les talents, mais aussi les risques associés à son profil. De manière à canaliser sa réflexion sur la valeur ajoutée qu’il peut et souhaite vraiment apporter aux parties prenantes, et sur le rôle qu’il a, au fond, envie d’assumer. Bref de définir un vrai projet qui fasse sens par rapport à son potentiel et lui permette de lui-même de faire le bon choix.


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